Lors de mes sorties de trail dans les collines d'Adelaide, j'ai remarqué que je courrais souvent sur un sentier appelé le Yurrebilla. J'ai fini par faire quelques recherches sur internet avant de me rendre compte que ce sentier traversait la chaine de montagne du nord au sud sur une distance de 55 km. Même si cela fait maintenant plus de 8 ans que j'ai laissé l'ultratrail, une idée a germé dans ma tête : faire le Yurrebilla au complet juste avant de quitter Adelaide.
C'est donc la veille de notre vol de retour que j'ai entrepris mon projet, avec très peu d'entrainement d'endurance car mes deux plus longues sorties des semaines d'avant étaient de 30 km avec la moitié sur la route. J'avais tablé sur un 6h de course, et j'ai donc pris le premier train, vers 7h, pour me rendre au départ, car par chance ce départ se trouve au terminus de la ligne de Belair. Cette ligne part du centre ville puis grimpe à travers les montagnes jusqu'à 300m d'altitude, à l'entrée du Belair national park.
En ce matin d'automne, l'air est très frais, et je ne me suis pas attardé sur le quai. J'ai démarré ma longue sortie dans le plus grand des silences du parc national. La première curiosité est l'echo tunnel, un tunnel datant d'un siècle et passant sous la voie ferrée. Il faut passer accroupi, dans le noir, avec une petite rivière à droite qui, par chance, est suffisamment basse pour laisser le passage praticable.
Après 6 km, une descente raide me fait quitter Belair pour Brown Creek. Un bref passage sur le goudron m'emmène à la première longue ascension. A travers les patûrages bovins dans un premeir temps, puis ensuite les paysages montagneux de l'Australie méridionale, je grimpe de 130 à 620m d'altitude et traverse la réserve de Cleland, la plus grande des Adelaide Hills. C'est un repère à kangourous et koalas, qui ne m'étonnent à présent plus comme aux premiers jours. Et c'est réciproque, je fais parti de leur décors, que j'ai de nombreuses fois traversé.
Cette longue ascension laisse des traces, car je prends du retard sur l'horaire, ce qui est normal compte tenu que les descentes sont devant moi. Alors que les jambes se remettent à bien tourner une fois le point culminant passé, au kilomètre 26, le mental revient. Je redescends à bonne vitesse dans Horsnell Gully conversation park, dans des sentiers que je ne connais pas, et je sens la pause de midi approcher : j'avais donné rendez vous à ma belle à 12h30 au kilomètre 31, dans le hameau de Norton Summit, à 400m d'altitude.
J'arrive pile sur l'horaire, mais la belle en question n'y est pas. En fait, elle a confondu ce point de passage là avec le suivant. Après une petite demi-heure à me faire du soucis (nous vivons sans téléphone), elle finit par arriver avec la voiture de location (louée pour nos 5 derniers jours) et le lunch plus que bienvenu.
Pour les 24 km restants, je remplis mes gourdes (j'en ai bu trois à l'aller malgré la température de 12-14°C, et une au lunch) et on décide de se retrouver dans trois heures à l'arrivée. Je repars avec des jambes presque neuves dans une partie que je connais par coeur, et qui est mon coin favori : Morialta conservation Park, un décors montagneux, fait de roches et de falaises, de plantes grasses et de petits sentiers qui serpentent entre tout ça. Des paysages qui me transportent et qui expliquent pourquoi il ne s'en est pas fallu de beaucoup pour que je délaisse un peu la course sur route, comme il y a une dizaine d'années.
Morialta me réservait une belle ascension après être descendu jusqu'à 250m. Dans ces paysages, elle passe comme dans du beurre, et je l'achève en franchissant la marque du marathon. Il faut alors redescendre pour l'ascension finale de difficulté équivalente. En bas de la descente, je pénètre donc dans Black Hill, une redoutable montagne escarpée, dont j'ai pu observer le sentier qui la franchissait depuis ma descente précédente. Il est large et peu technique mais raide. De toute façon, tout est raide à Black Hill.
Dès les premiers mètres, je sens le coup de fatigue s'installer. Je touche ainsi à ma limite compte tenu de mon entrainement léger. En marche rapide, je passe au travers de mon ravitallement (un gros sac de noix) et de mes trois gourdes. Je prends mon mal en patience, mais ne parviens pas à courir jusqu'au sommet, au kilomètre 52, 480m d'altitude. J'ai pris une bonne demi-heure de retard sur le planning.
La descente qui s'ensuit est à pic et technique, mais l'arrivée est au bout. Je me sens à nouveau pousser des ailes, et mon pas redevient sûr. Je profite de ces derniers instants dans ces terres poussiéreuses, minérales et arides. J'aperçois finalement Marie venue à ma rencontre à la marche. Il ne reste donc plus que 500m. Je ne freine mon élan qu'une fois la fin officielle du sentier atteinte, avant d'aller la retrouver et profiter de cet instant qui marque la fin de ce défi personnel, mais aussi de notre deuxième séjour en Australie. Trois mois éblouissants et formateurs, sur cette terre encore très sauvage.
Avecle recul, j'ai eu beaucoup de plaisir sur cette distance malgré le manque d'entrainement grâce au fait que je n'étais pas en mode compétition (même pas de courbatures le lendemain). C'est donc un côté très encourageant, car même avec un entrainement minimal, je peux avoir du plaisir sur des défis sportifs lorsque extérieurs aux compétitions. Ce sera donc quelque chose à renouveller, un jour, quelque part.
Détails :
55km
6h47' pour couvrir la distance
7'25''/km - 8,09km/h de moyenne.
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