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11 septembre 2011 7 11 /09 /septembre /2011 10:45

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    La nuit n’avait pas encore finit d’inonder la ville de sa fraicheur que mon destrier fendait l’air matinal, avec moi, mes baskets et mon wetsuit à bord. Jean-Philippe me signalait que ça allait être très dur de se jeter à l’eau froide ce matin, et, incapable de dire un mot, j’acquiesçais de la tête en bâillant. Les préparatifs qui étaient avant nouveaux sont à présent une habitude, je connais tout ce dont j’ai besoin, et tout ce qui est inutile, et je dépose avec minutie mon arsenal dans mon espace réservé en zone de transition, sur l'île Notre-Dame, île artificielle créée en vue de l'exposition universelle de 1967. Ce dont j’aurais besoin pour pédaler, pour courir, pour me ravitailler, pour me rincer les pieds après être sorti de l‘eau et avoir couru quelques mètres sur le sol. Le temps de la découverte s’est finit et a à présent laissé place au temps des performances. Du moins je l’espère.            

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   C’est une joie de ressentir les rayons du soleil juste avant de partir pour ces 1,9km de nage, à 7h20. L’eau du bassin olympique semble moins froide, presque tiède, cette même eau qui a accueilli les compétitions d'aviron lors des Jeux Olympiques de 1976. Je reste en arrière du peloton, car je ne me considère pas comme un nageur rapide. Le départ sonne, et je nage dans cette machine à laver où des gens me rentrent dedans autant que je rentre dans des gens. Mais ce n’est pas paniquant comme avant, les kilomètres de nage m’ont fait gagner en confiance. Je n’ai pas un gros rythme, je préfère me contenter de suivre de près la personne devant moi, car si j’essaye de doubler, je perds vite mes repères et nage de travers. Après avoir passé le demi-tour de la mi-parcours, le peloton est plus étiré, et je suis un fil blanc au fond de l’eau, celui qui attache les bouées et qui semble aller dans la bonne direction. Il me mène à bon port, et je sors me mettre en cale sèche en un peu plus de 36’, soit dix minutes de mieux qu’en juin. Je suis dans la course.

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   Je fais une transition la plus rapide possible, mais j’ai des étourdissements en sortant de l’eau aussi vite et en essayant de retirer mon wetsuit. Malgré ça, je pars le moral gonflé à bloc pour les 90km de vélo, ce qui correspond à 20 tours de piste de Formule 1. Je ne doublerais pas Michael Schumacher vu ce vent qui souffle tout de même assez fort sur la moitié du parcours. Mais je file cependant à environ 36km/h car je suis sur les bases d’un temps de 2h30’. Cette partie est toujours stressante, car sur cette discipline, le triathlète est fortement dépendant de la mécanique. Une crevaison, une chute, un bris de chaîne, et c’est foutu. Mais mon oiseau savait qu’il fallait être au top aujourd’hui. A chaque fois que je termine le grand virage qui nous fait ressortir de la partie ventée, le bruit de mon dérailleur pour descendre de deux pignons m’emplit de joie. 'Clang!'. A chaque fois, je n’ai pas encore finit d’appuyer sur les manettes que déjà un bruit sec d’une chaîne parfaitement réglée dansant sur sa cassette brise la monotonie sonore des kilomètres de vélo défilants. Le triathlon, c'est aussi cela : des bruits, des sensations, des signes que tout fonctionne à merveille, parce que tout a été préparé et réfléchi des mois à l'avance. Quel bonheur de pouvoir constater que la mécanique est bien huilée.

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   Et puis je boucle mes 90km en 2h37', certes loin des 2h30', mais compte tenu du vent et de la fatigue arrivant, le temps est convenable. Je suis tout de même sur une bonne voie pour descendre sous les 5 heures, à condition de faire un demi marathon correct.  Et ça, je sais faire. Je ne suis pas dans l'inconnu. Je pars alors à une allure random car il est dur de savoir exactement à combien on avance lorsque la fatigue des épreuves précédentes fausse les sensations. Mais pourtant, sans avoir l'impression de forcer, je clanshe. 3'40'' au kilomètre, puis un peu plus loin 3'50''. J'en viens à me demander si les bornes kilométriques sont placées au bon endroit. Conscient que ce rythme là est bien trop élevé, je m'arrête à tous les ravitaillements pour faire le plein de Gatorade, comme à mon habitude sur les triathlons. Chaque minute perdue à un ravitaillement est un investissement pour les prochains kilomètres.

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   Le parcours consiste en 4 tours du bassin olympique où a eu lieu la natation précédemment, dont un tour un peu plus long, de 7km, que je boucle en 28 minutes, pour faire le compte de 21,1km. Après ces 7km, mon pace passe aux alentours de 4'15''-4'20''/km, une allure de croisière que j'aurais eu du mal à tenir en tant normal, mais dans mon état, drogué aux endorphines grâce au vélo, tout me parait facile. Les pauses aux ravitaillements me sont d'une aide fantastique pour me ressourcer. Les kilomètres, le temps, le paysage, tout défile vite, tellement vite, plus vite que sur un demi marathon classique. Et lors d'un tournant, les cris d'encouragement des amis venus pour l'occasion achèvent de me plonger dans un état de transe euphorique, de mettre mon cerveau en mode off. Marie Caroline devient même mon lapin pour quelques kilomètres, des kilomètres où j'ai l'impression de voler sur le bitume brulant. Je file jusqu'au 18ème kilomètre où je me réveille comme tombé du lit. Parce que je veux maintenant savourer chacun des derniers pas qui vont me rapprocher de cette ligne d'arrivée, et parce que des moments comme cela, il n'y en a que trop peu dans une vie.16

    Un coup d'oeil rapide sur ma montre me confirme que c'est dans la poche. A force de me fixer des objectifs trop prétentieux, je finis toujours mes courses déçu. Mais aujourd'hui, je suis dans ma course, dans mon jour, dans un bon temps. Plus que deux kilomètres, plus qu'un. J'accélère un peu pour lâcher les derniers chevaux qui bouillonnent et hénnissent depuis plusieurs minutes. 'BIP! BIP!'. Un autre bruit familier, celui du tapis qui surveille le passage de la puce de chronométrage, sonne la tristesse de la fin de ma saison québécoise, mais le bonheur de l'objectif atteint : mon demi marathon en 1h33', le meilleur temps de course à pied dans ma catégorie, me permet de passer sous l'arche des finishers en 4h53'. Je suis large dans le temps. J'ai tout donné, je suis épuisé. Je prends ma médaille et m'étends dans l'herbe. Toutes la fatigue me retombe dessus, comme si elle ne s'était pas manifestée pendant 4h53', juste pour attendre sagement ce moment là. Fier d'avoir su la dompter, je savoure d'autant plus ce final après 6 mois au Québec en apprenant que je suis 4ème chez les 18-24 ans. Sur les IronMan 70.3, parfois le troisième est qualifié pour les championnats du monde à Las Végas. Ce demi IronMan est loin d'être mon dernier. Et je n'arrive plus à m'ôter ça de la tête, cette 4ème place. Je me demande : Et si... ? Car celui qui n'essaie pas d'être meilleur cesse déjà d'être bon.

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TRIATHLON DEMI ESPRIT - 1,9KM+90KM+21,1KM

4h53'08''

Swim : 36'46'' (1'56''/100m, 95ème temps)

Transition 1 : 3'28''

Bike : 2h37'01'' (34,391km/h, 65ème temps)

Transition 2 : 2'35''

Run : 1h33'21'' (13,562km/h, 4'25''/km, 25ème temps)

48ème sur 244 arrivants

4ème homme 18/24 ans.

Les photos ici.

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  • : Sacha Cavelier Triathlète
  • : Après une formation d'ingénieur en France ou je découvre le trail et l'ultra, je combine le triathlon élite à un doctorat de 2015 à 2020 au Canada. Maintenant papa et jeune chercheur universitaire, je suis modestement retourné a mes premiers amours, dans le mid-west américain quelques temps et maintenant en Australie. Ce blog raconte 15 années de vie sportive.
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