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19 juillet 2011 2 19 /07 /juillet /2011 10:19

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   Depuis que ma première expérience de triathlon avait été un calvaire en ce qui concerne la partie natation, il me restait deux options : raccrocher ma combinaison dans le placard, ou m’inscrire sur le triathlon double olympique de Sherbrooke. En effet, avec 3km de natation, soit je me noyais, soit j’allais vaincre mon manque de confiance en eau libre. Il n’y a pas 36 solutions, pour vaincre une peur, on se jette à bras ouverts dedans, dans la gueule du loup. Et comme je ne renonce pas par principe à ce qui parait difficile, comme l’impossible est ce que les gens appellent ce qu’ils ont peur d’affronter, je n’ai pas hésité longtemps.

   J’ai tout de même regretté quelques secondes de m’être inscrit à cette course lorsque le réveil a sonné à 5h15. Il fallut au moins trois secondes avant d'aller mieux. Mais la tension était à son comble dans la voiture de Jean Philippe avec qui j’allais gouter l’eau verdâtre du lac Magog. Lui aussi avait un traumatisme de natation de premier triathlon à surmonter.  Arrivés sur le site, l’eau, qui a eu tout le loisir de monter jusqu’à 28 degrés grâce à la chaleur caniculaire, a rendu interdite le port des combinaisons. Certes, les mouvements seront moins gênés, mais nous flotterons moins bien, et nous irons moins vite. Ni une bonne, ni une mauvaise nouvelle. Les doutes sont plus que jamais là lorsque je me trouve face à ce lac immense et vert, avec une bouée rouge, qui est si loin qu’on en distingue qu’un point à l’horizon. Le pire, c’est que je vais devoir y aller non pas une mais deux fois pour compléter ma distance. J’en ai les jambes qui flanchent rien que d’y penser. Tant mieux, je n’aurais besoin que de mes bras. En tout cas, sur le coup de 8h, le départ est lancé. J’ai 3km de nage à faire, avant de m’élancer pour 80km de vélo et 20km de course à pied.

Sherbrooke.jpg

Je suis celui avec le casque bleu et les lunettes.

   Au bout de 200m, ma respiration s’accélère anormalement. Je réduis le rythme, et ne me concentre pas sur la distance à faire, sur la profondeur du lac, etc. mais sur rien d’autre que mes mouvements. Et puis, je me persuade d’être en piscine et rentre dans ma course. Je lève parfois la tête pour vérifier la trajectoire, et le premier tour de 1,5km se passe. Si j’en ai fait un, pourquoi pas un deuxième. Ainsi, en 1h18’, je termine le parcours natation. Je suis 26ème sur… 28 en sortant de l’eau. Pas un temps canon, mais je manque d’expérience en triathlon, ce n’est que mon deuxième, et du haut de mes 22 ans, je ne vois pas bien loin, et c’est donc pour moi une excellente chose de faite : j’en ai le sourire qui monte jusqu’aux oreilles, et qui mettra plusieurs kilomètres de vélo face au vent pour redescendre. En sortant de l’eau, mes jambes ont du mal a me porter, elles ne sont pas alimentées correctement en sang, qui a été monopolisé par les bras. Je titube jusqu’à l’aire de transition, enfourche mon destrier et noble compagnon de longues distances… et m’élance à travers les monts de l’Estrie.

   Je file à travers le vent parfois de face et parfois de dos. Je peine à aller chercher le 20km/h lorsque ce dernier est défavorable, mais avec son aide, je frôle le 40. Le temps passe soudainement plus vite, en comparaison de celui passé dans ces eaux troubles. Je double des concurrents, et gère mon eau. Au demi-tour de la mi-parcours, j’avale sans broncher un demi litre de Gatorade et remplis mes deux gourdes. Sur le chemin du retour, je gère encore à merveille mon eau puisque je bois avant la soif, malgré les 37 degrés qui réchauffent l’asphalte, et je terminerais ma deuxième gourde à un kilomètre de la fin du vélo. Comme pour mon premier triathlon, je me gave de gels et de barres dans les 10 derniers kilomètres, pour préparer ma transition vélo-course à pied, la plus difficile. Dans les ultimes côtes, des casques profilés aux vélos en carbone jusqu’au moindre rayon montent en zigzag  pour ne pas prendre la pente raide de face. Je les double joyeusement, drogué au Gatorade. Je pose enfin le vélo après un formidable 30km/h de moyenne dans un parcours venteux et vallonné. Une casquette sur la tête, trois barres dans le cuissard et deux chaussures aux pieds, et je repars aussi vite que je suis arrivé.

   Ces sensations que j’avais alors dans les jambes resteront un mystère. Comme si je n’avais rien fait avant, comme si je sortais d’une longue nuit de repos, mes jambes me portent sans rechigner à plus de 14km/h. Ce pace que j’ai habituellement du mal à tenir sur les 20km, je le tiens sans flancher, sans éprouver la moindre douleur. C’est trop facile, si facile que c’en devient agaçant. C’est bien la dernière chose à laquelle on s’attend, de courir comme un lapin, lorsqu’on participe à un triathlon longue distance. Je dévore le bitume et double encore des coureurs qui se demandent si le missile qu’ils viennent de voir passer était bien l’enclume qui essayait de nager sans boire la tasse il y a quelques heures. Croyant que les gels et le Gatorade sont la cause de cet excès de forme, dès le premier ravitaillement, je en bois trois verres de nouveau, reprends du gel, et surtout m’arrose de la tête aux pieds pour tromper la chaleur. Je remets ça au prochain ravitaillement, encore et encore. Et je tiens le rythme.

   Puis les kilomètres défilent. J’en suis même à me retenir pour garder du jus pour le final. Je double et encourage ceux qui ont plus besoin d’encouragements que moi. Au dernier ravitaillement tenu par de jeunes futurs athlètes très enthousiastes de me voir vider leur table, je demande s’ils n’auraient pas mis quelques grammes de cocaïne dans leurs boissons pour que je sois dans cet état. Leur réponse négative ne me rassure pas. Mais cela ne m’empêche pas de tout donner dans les ultimes hectomètres. Je termine mon 20km en 1h27’. En ce qui concerne les résultats, je suis 8ème overall avec un temps de 5h34’, bien loin de ma position d’avant avant dernier lors de la sortie de l’eau. Je suis sur un nuage, le même qui m’a porté sur ces 20km. Je suis bien content qu'il n'y ait pas de contrôle anti-dopage, car les organisateurs auraient trouvé bizarre que je ne pisse que du Gatorade. Jean Philippe a performé lui aussi dans l’eau et se classe 12ème du triathlon olympique. La journée se finit devant un burger qui aura eu une durée de vie très courte dans mon assiette, avec une bande de triathlètes de Montréal. Une journée dont on ne voudrait plus qu’elle se termine. Une journée dont on ne garde pas seulement quelques coups de soleil comme souvenirs.

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TRIATHLON O2 DE SHERBROOKE - 3+80KM+20KM

5h34'42''

Nage+transition 1 : 1h19'13'' (26ème temps)

Vélo+transition 2 : 2h48'23'' (9ème temps)

Course à pied : 1h27'06'' (13,777km/h, 4'21''/km, 4ème temps)

8ème sur 28 arrivants

5ème homme 20/29 ans.

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  • : Sacha Cavelier Triathlète
  • : Après une formation d'ingénieur en France ou je découvre le trail et l'ultra, je combine le triathlon élite à un doctorat de 2015 à 2020 au Canada. Maintenant papa et jeune chercheur universitaire, je suis modestement retourné a mes premiers amours, dans le mid-west américain quelques temps et maintenant en Australie. Ce blog raconte 15 années de vie sportive.
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